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[CRITIQUE] LE PETIT LOCATAIRE

Karine Viard enceinte à son âge c’est une blague ? Non, c’est le sujet du premier long métrage de Nadège Loiseau, LE PETIT LOCATAIRE. Une affiche aux couleurs acidulées, un casting de choix, une grossesse de quinqua, tout semble indiquer qu’il s’agit là d’une bonne grosse comédie au marketing travaillé qui tombe dans tous les excès… Et bien pas du tout ! Au contraire. Comédie, certes, car le sujet est traité avec un brin d’humour et de légèreté, mais c’est l’émotion plus que le rire qui nous gagne face à la dissection des rapports humains et intergénérationnels que la jeune réalisatrice a opéré.

Nicole (Karine Viard), 49 ans, est à la tête d’une famille dysfonctionnelle et tente de faire tourner la maisonnée comme elle le peut, en assumant les responsabilités qui lui incombent mais aussi celles des autres. C’est dans ce contexte qu’elle tombe enceinte alors qu’elle se croyait en pleine ménopause. Garder cet enfant qui arrive comme un cheveu sur la soupe ou pas ? Telle est la question qui va se poser dans LE PETIT LOCATAIRE.

De prime abord, la situation semble presque grotesque et exagérée : être enceinte à cet âge-là avec un mari au chômage qui passe ses journées en survêtement, une fille-mère qui prend la maison de ses parents pour un hôtel, une mamie à charge qui perd un peu la boule et une petite fille négligée qui n’est pas loin d’aller à l’école en pyjama… Ça fait beaucoup ! Et pourtant, grâce au talent d’écriture de Nadège Loiseau et d’interprétation de ses comédiens, LE PETIT LOCATAIRE est d’une justesse sans pareille. En effet, à bien y regarder, dans chaque détail de cette famille un peu loufoque se cachent le quotidien, les incidents, les galères, mais aussi la part d’humanité d’une famille ordinaire. Sous l’aspect folklorique, on découvre des situations que l’on peut tous connaître : une vie qui s’éteint lorsqu’une autre prend place, une solitude qui s’apaise dans l’entraide, des rêves enterrés par des sacrifices qui refont surface, une grand-mère qui trouve le respect là où une mère trouve les reproches, et bien d’autres petites choses qui vous cueillent par surprise au détour d’une scène et créent de l’émotion.

« À bien y regarder, dans chaque détail de la famille un peu loufoque du PETIT LOCATAIRE, se cachent le quotidien, les incidents, les galères, mais aussi la part d’humanité d’une famille ordinaire»

Si tout cela réussi à s’imbriquer pour former un tout cohérent, c’est d’abord parce que les dialogues sont écrits avec finesse et qu’il y a beaucoup de réalisme et de lucidité dans l’analyse psychologique des rapports familiaux que nous propose la réalisatrice. C’est également parce que les seconds rôles sont nombreux, riches et travaillés, et que les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres sont parfaitement crédibles. Enfin, il y a le choix judicieux de tous ces comédiens dont les performances rivalisent de justesse et de naturel : Philippe Rebbot, Hélène Vincent, Antoine Bertrand, Manon Kneussé, Côme Levin et Karine Viard en tête. Comme toujours, elle est parfaite en « Madame tout le monde », elle pourrait être notre voisine, notre copine ou notre mère, elle suscite l’empathie et nous bouleverse avec une facilité déconcertante. Grâce à tous ces facteurs, au fur et à mesure que le scénario se déroule, ce que l’on imaginait n’être que clichés trouve une réelle justification (le survêtement du père par exemple) et ce que l’on craignait de voir basculer dans l’absurde tombe dans une réalité qui fait écho à bon nombre d’entre nous.

C’est donc agréablement surpris que l’on ressort du PETIT LOCATAIRE (en dépit de quelques longueurs).

Loin d’une mécanique humoristique grossière provoquée par des situations rocambolesques, Nadège Loiseau nous offre en réalité un joli premier long métrage qui traite avec délicatesse de la famille. En passant par le couple et la parentalité, elle parvient particulièrement à nous toucher à travers le parcours de plusieurs générations de femmes qui se suivent mais ne se ressemblent pas, ne se comprennent pas toujours, mais s’entraident avec amour et bienveillance sans tomber dans la mièvrerie et les bons sentiments.

Stéphanie Ayache

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